En novembre 2021, j'ai eu le privilège d'assister aux négociations mondiales sur le climat qui se déroulaient à Glasgow, en Écosse, au nom du Project de la réalité climatique Canada. Pendant la COP26, j'ai effectué des correspondances en direct pour des partenaires communautaires comme le Carrefour climatique de Calgary et les Dialogues pour le climat, j'ai interviewé des jeunes de Kahnawá:ke, j'ai observé les négociations pour le Réseau Action Climat-Canada et j'ai manifesté aux côtés de milliers de personnes pour la justice climatique.
Je suis entré dans cet espace en me demandant comment mon travail quotidien avec les groupes de défense du climat basés dans les villes se traduit au niveau de la politique climatique internationale. En tant que citoyen·ne·s, comment nos intérêts sont-ils représentés dans ces espaces, en particulier lorsque notre avenir est sur la table des négociations ? Comment les engagements de haut niveau et les conversations à huis clos se traduisent-ils par des actions significatives dans nos communautés ? Je réfléchis ici à mon expérience et j'espère partager certains de mes apprentissages.
La COP en quelques mots
La 26e session de la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) — également connue sous le nom de COP26 — a été l'un des plus grands rassemblements de personnes depuis le début de la pandémie. Selon les personnes interrogées, cette conférence avait des objectifs différents. En apparence, il s'agit de la réunion annuelle des pays pour négocier leurs stratégies d'atténuation de la hausse des températures et collaborer à l'adaptation aux impacts climatiques. Pour la société civile, c'est l'occasion de demander publiquement des comptes à nos gouvernements devant un public international et de suivre des négociations où notre avenir est en jeu. Et pour les lobbyistes des combustibles fossiles, il s'agit d'un terrain de jeu de l'écoblanchiment où ils sont en mesure d'utiliser leurs profits et leur accès afin de prolonger la durée de vie de leurs projets d'extraction, à notre détriment collectif.
Lors de cette conférence, le monde a pu constater des réalisations et des lacunes majeures. Principalement, la première mention des combustibles fossiles dans un texte final a eu lieu, ouvrant la voie à une coordination mondiale contre les plus de 500 lobbyistes présent·e·s dans la salle. Cette mention, associée à une série d'engagements visant à mettre fin au financement international des combustibles fossiles, marque le début d'un changement majeur sur les marchés mondiaux. Au-delà de cela, la formulation du texte final concernant l'abandon progressif du charbon et la suppression des subventions inefficaces aux combustibles fossiles est un autre exemple d'engagements qui ont ouvert de nouvelles perspectives pour la CdP, mais qui restent insuffisants. Lorsqu'on les compare à ce que nous avons réussi à faire jusqu'à présent, ces réalisations sont louables. Mais lorsqu'ils sont mesurés à l'aune de la science, il est clair que nous ne faisons que commencer à prendre les mesures nécessaires pour transformer notre économie mondiale, ce que le climat exige.
Malgré les bonnes nouvelles, les pays du Sud ont été doublement trahis lors de la COP26. Le principe de « responsabilité commune mais différenciée et de capacités respectives » sous-tend la nécessité pour le Nord de financer les transitions économiques et énergétiques dans le Sud. Avant même le début de la conférence, les pays développés n'ont pas respecté une promesse faite en 2009, à savoir l'octroi de 100 milliards de dollars US de financement climatique aux pays du Sud d'ici 2020. Le ministre canadien Wilkinson et le secrétaire d'État allemand Flasbarth avaient dirigé l'effort de coordination autour de cette question pour la CdP-26 et ont découvert que le Nord global n'avait pas tenu sa promesse. Malgré cette lacune, les pays du Nord se sont engagés, de manière non contraignante, à fournir 100 milliards de dollars US par an en financement climatique jusqu'en 2025, laissant la confiance mondiale intacte, mais sur une glace mince. Compte tenu des promesses de financement importantes et de l'absence de résultats, de nombreux pays du Sud comptaient sur le Pacte climatique de Glasgow pour apporter des certitudes et faciliter le soutien.
C'est là qu'est intervenue la deuxième trahison, dans les derniers jours de la CdP, lorsque les pays du Nord ont refusé de mettre en place un mécanisme pour les « pertes et dommages » — en référence aux dommages causés à nos sociétés par la crise climatique. Si des pays comme le Canada peuvent largement se permettre de s'adapter aux changements majeurs auxquels sont confrontées nos communautés, de nombreuses économies ne se sont jamais remises du colonialisme et de l'endettement et ne peuvent donc pas se permettre de s'adapter pour sortir de la crise climatique. Cela dit, la CdP-27 sera présidée par l'Égypte, qui s'est engagée à promouvoir les pertes et dommages. Cette nouvelle, ainsi que l'accord visant à organiser des dialogues sur les pertes et dommages en 2022, laisse penser qu'un système stable de financement des pertes et dommages pourrait être adopté lors de la prochaine conférence.
Alors que des millions de personnes dans le monde retenaient leur souffle en regardant la CdP-26, beaucoup avaient l'impression que notre destin collectif reposait entre les mains de ces négociateur·ice·s. Il est important de rappeler que la structure consensuelle de la CCNUCC signifie que les résultats de cette négociation sont le plus petit dénominateur commun de la communauté mondiale des États-nations. Si la conférence est en mesure de définir un cadre qui tente de fournir des pistes d'action au-delà des frontières et des marchés, dans la pratique, elle permet également d'agir à de nombreux niveaux inférieurs.
Les villes à la CdP
Lorsque les Nations unies ont été créées en 1945, la décision de structurer les membres en fonction des pays a eu des effets considérables, y compris à la CdP-26. Comme les seules parties reconnues sont les gouvernements nationaux, les « sous-nationaux » (y compris les provinces, les villes, les nations autochtones et les gouvernements régionaux) n'ont pratiquement aucune voix officielle dans les négociations. Tout comme les organisations non gouvernementales (ONG), ils doivent compter sur leur équipe de négociation nationale pour représenter leurs intérêts.
Cependant, le rôle de leurs sous-nationaux ne doit pas être négligé. En 2019, lors de la CdP-25, les États-Unis étaient en train de se retirer de l'Accord de Paris sous la présidence Trump. Pendant cette période, une alliance d'États, de villes et d'acteurs non gouvernementaux s'est réunie sous la coalition « We're Still In », pour prendre des engagements climatiques conformes aux objectifs mondiaux pour leurs propres juridictions, couvrant la majorité de la population des États-Unis. Les acteurs infranationaux constituent une voix secondaire importante pour les citoyen·ne·s, en particulier lorsque leurs représentant·e·s nationaux·ales n'ont pas le niveau d'ambition exigé par la crise climatique.
Les villes consomment près de 80 % de l'énergie mondiale et produisent plus de 60 % des émissions de gaz à effet de serre, tout en abritant la majorité de la population.
Un objectif à atteindre
Lors de la CdP-26, la délégation des gouvernements locaux et des autorités municipales était la deuxième plus importante de la conférence, avec plus de 400 représentants. Le groupe canadien comprenait la Fédération canadienne des municipalités et son président du Caucus des maires des grandes villes, le maire d'Halifax, Mike Savage. Le rôle de ces villes à la CdP-26 est souvent de partager des connaissances au-delà des frontières, de plaider pour le transfert de la prise de décision entre les mains des autorités locales, et de faire valoir leurs propres intérêts distincts — comme la mise en évidence de la vulnérabilité des villes côtières. Lors de la CdP-26, le Centre pour le dialogue de l'Université Simon Fraser a organisé des séances d'information sur les villes canadiennes à la CdP-26, qui ont aidé les villes et les défenseur·euse·s communautaires à rester au courant des procédures complexes et souvent inaccessibles. À l'échelle mondiale, la campagne « la course des villes vers Objectif zero » a été un point focal, avec plus de 1 000 municipalités du monde entier qui se sont jointes à l'initiative pour atteindre le niveau « Net Zero » et développer des plans climatiques en accord avec un avenir à 1,5C.
Heureusement, en tant que citoyen·ne·s des municipalités, nos votes et notre capacité à faire participer nos fonctionnaires sont entre nos mains. Il est dans la capacité des citoyen·ne·s d'élever l'ambition de nos villes à mener la transition énergétique. Il est de la responsabilité des citoyen·ne·s de demander des comptes à nos dirigeant·e·s lorsqu'il s'agit d'adapter nos communautés aux impacts de la crise climatique qui nous touchent déjà chez nous.
Pendant la CdP-26, des développements majeurs étaient en cours chez nous, alors que les villes de l'Alberta et du Québec votaient pour de nouveaux gouvernements municipaux. En partie grâce au plaidoyer du Carrefour climatique de Calgary et de la Coalition Climat Montréal, les deux grandes villes ont élu des conseils et des maires progressistes et sérieux dans la lutte contre le changement climatique. Alors que le monde entier se tourne vers Glasgow, c'est l'engagement local qui a changé le destin de la plus grande ville de l'Alberta et qui a permis au maire de Montréal de se doter d'un plan d'action solide et ambitieux.
Au niveau fédéral, le Canada est arrivé à la CdP-26 avec une série d'annonces issues des élections de 2021. Le Canada s'est engagé à verser 5,3 milliards de dollars sur 5 ans, avec les sous-engagements suivants :
- Engagement de 40% de financement climatique pour l'adaptation (sur les 5,3 milliards de dollars) ;
- Engagement de 20% pour la nature et le financement climatique (sur les 5,3 milliards de dollars) ;
- 37,5 millions de dollars pour le Fonds pour les pays les moins avancés ;
- 10 millions de dollars pour le Fonds d'adaptation ;
- 10 millions de dollars pour le réseau mondial des plans nationaux d'adaptation ;
- 1 milliard de dollars pour le Fonds d'investissement climatique pour la transition vers l'abandon du charbon ;
- Plus de 50 millions de dollars pour le Programme d'innovation climatique des municipalités (via la FCM) ;
- Soutien aux microréseaux autochtones d'énergie renouvelable en Amérique du Nord.
- Lisez le sommaire du gouvernement ici.
- Lisez la réaction du Réseau Action Climat Canada ici.
Ces engagements, associés à l'annonce par le gouvernement d'un plafonnement des émissions de pétrole et de gaz, marquent un saut significatif en termes d'ambition compte tenu de l'histoire du Canada au sein de la CCNUCC et font suite à l'engagement pris lors du Sommet des dirigeants américains sur le climat de renforcer l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre du Canada. Pourtant, il faut plus d'ambition et plus de détails pour atteindre un plan aligné sur 1,5 degré Celsius, un défi qui réside en grande partie dans la capacité du gouvernement à faire passer ses engagements en loi au cours d'un parlement minoritaire. En ce qui concerne la mise en œuvre, les villes et les provinces doivent s'efforcer d'atteindre ces objectifs, tout en incluant des membres de la communauté de tous horizons dans leurs processus de planification.
Les jeunes font partie de ces groupes qui sont généralement exclus de l'élaboration des politiques. Que ce soit dans les communautés locales ou à la CdP-26. Dans la zone bleue, les jeunes ont été exclu·e·s de la plupart des délégations des partis, des salles de négociation et des consultations ministérielles. Cela dit, bien qu'ils·elles aient souvent été amené·e·s comme des pions, de nombreux et nombreuses jeunes ont utilisé leur plateforme pour dire la vérité au pouvoir. Et à l'extérieur du lieu de réunion, les jeunes et les peuples autochtones ont largement mené la marche de plus de 100 000 manifestant·e·s à travers Glasgow, le samedi 6 novembre.
Les gouvernements à tous les niveaux sont en train de perdre rapidement la confiance des jeunes du monde entier, et devront centrer les principes de justice intergénérationnelle dans leurs processus de planification et de prise de décision afin de réparer cette relation. Le principe de la planification pour les 7 générations à venir est ancré dans de nombreuses pratiques de savoir autochtones, et il serait bon de l'intégrer dans l'élaboration des politiques afin de garantir que les intérêts à court terme du capital ne passent pas avant le droit des jeunes et des générations futures à un avenir vivable et écologiquement stable. Les appels à l'action des jeunes doivent être entendus si nous voulons que nos politiques soient justes et inclusives.
À retenir
La COP26 a été une arène d'échanges et de pressions. Le vrai travail, cependant, se fait lorsque les dirigeant·e·s du monde rentrent chez eux et chez elles et font face à leurs électeur·rice·s. Il nous incombe d'organiser de puissants mouvements citoyens capables de demander des comptes aux dirigeant·e·s et de faire en sorte qu'ils et elles se rendent à la prochaine CdP en craignant davantage le coût de l'inaction que l'ire de l'industrie des combustibles fossiles. Si nous veillons à ce que les gouvernements défendent les intérêts de leur population et des générations futures, nous serons en mesure d'avancer au rythme exponentiel de changement que le moment exige. Et nous y parviendrons, ensemble.
Appels à l'action :