L'importance de la CdP-26
J'écris depuis Glasgow cette semaine, où l'enjeu des négociations climatiques des Nations unies actuellement en cours, communément appelées CdP-26, est considérable.
Près de 200 pays ont signé l'Accord de Paris en 2015, s'engageant à limiter la surchauffe mondiale à 1,5°C de réchauffement. Mais le dernier Rapport des Nations unies sur l’écart entre les besoin et les perspectives en matière de réduction des émissions constate que les engagements connus sous le nom de Contributions déterminées au niveau national (CDN) avant les négociations de Glasgow ne réduisent les émissions que de 7,5 % d'ici à 2030, alors que 55 % sont nécessaires pour atteindre l'objectif de 1,5 °C fixé par Paris.
Nous sommes au courant du changement climatique depuis la fin des années 1970, avec l'avènement des mesures de température par satellite et la publication du rapport Charney, qui estimait que le réchauffement pourrait atteindre entre 2 et 4,5 °C en raison des gaz à effet de serre émis par la combustion de combustibles fossiles. Le dernier rapport du GIEC sur le climat nous dit que, sans aucun doute, les émissions de carbone d'origine humaine sont responsables de la surchauffe de la planète. Mais les émissions ont continué à augmenter, atteignant 1°C par rapport aux niveaux préindustriels en 2017. L'ancien vice-président Al Gore, réalisateur du documentaire « Une vérité qui dérange » en 2006, utilise le langage de la « crise climatique » depuis les années 1980, et 2019 est devenue l'année de la déclaration d'urgence climatique.
L'urgence croissante du langage utilisé pour décrire le changement climatique reflète les enjeux extrêmement élevés auxquels nous sommes confronté·e·s en tant que société qui s'est construite sur l'hypothèse d'un climat stable. Nous utilisons des données climatiques historiques pour déterminer où et quand nous plantons nos aliments, où nous considérons qu'il est sûr de construire nos maisons, où nous implantons les infrastructures essentielles. Mais nos modèles sont désormais basés sur des schémas météorologiques dépassés et ne seront plus un bon indicateur des conditions futures. Au Texas, un étirement du vortex polaire au début de l'année a mis hors service un réseau électrique qui n'était pas conçu pour résister aux températures glaciales extrêmes, que nous pouvons désormais nous attendre à voir beaucoup plus fréquemment. De petites variations des températures moyennes auront des conséquences extrêmes, comme l'inondation de villes côtières et la submersion d'États insulaires entiers. Le petit État insulaire de Kiribati a acheté des terres dans un autre pays pour ses citoyen·e·s, car le pays tout entier pourrait être submergé si les émissions ne sont pas réduites de moitié dans les huit prochaines années.
Les événements météorologiques extrêmes fréquents et graves survenus en 2021 ont mis en évidence le bilan humain et les conséquences économiques de la surchauffe mondiale. Le Canada se réchauffe deux fois plus vite que la moyenne mondiale. En Colombie-Britannique, nous avons vu des records de température battus dans la ville de Lytton, atteignant près de 50°C avant qu'un incendie de forêt ne détruise la ville et ne fasse deux victimes l'été dernier. À l'autre bout du monde, au Pakistan, des températures maximales de plus de 50 °C ont été enregistrées, ce qui est plus chaud que ce que le corps humain peut supporter.
Nous ne pouvons vraiment pas nous permettre d'ignorer l'urgence climatique un instant de plus. Cette semaine, le premier ministre Justin Trudeau a annoncé la création d'un nouveau centre d'excellence de l'OTAN chargé d'étudier les conséquences du changement climatique sur la sécurité, lors de sa visite aux Pays-Bas avant la Conférence des Parties. Ce centre aidera les membres à comprendre comment les catastrophes climatiques peuvent provoquer des migrations massives et exacerber les conflits et les guerres.
Nous savions que l'année 2020 représenterait un point de non-retour en termes de concentration de gaz à effet de serre dans l'atmosphère. Après cela, nous atteignons certains « points de basculement » climatiques à partir desquels il est très difficile, voire impossible, de revenir en arrière. Des documentaires comme « Breaking Boundaries » montrent que nous sommes déjà en dehors de l'espace de fonctionnement sûr pour le changement climatique et la biodiversité, et qu'il est urgent de réorganiser nos systèmes énergétiques et alimentaires. Il ne nous reste que huit ans pour réduire les émissions de 50 % d'ici à 2030, une voie qui, selon l'Agence internationale de l'énergie, est encore disponible mais se referme rapidement si nous ne parvenons pas à stopper immédiatement toute nouvelle exploration et exploitation pétrolière et gazière. Les dernières conclusions du GIEC ont conduit le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, à déclarer un « code rouge pour l'humanité ». 2 500 scientifiques et universitaires ont demandé un Traité de non-prolifération des combustibles fossiles, signé par des universités et des gouvernements, et appelé à une élimination immédiate des combustibles fossiles.
Points clés de l'ordre du jour pour une CdP-26 réussie
L'Association internationale pour l'échange de droits d'émission et l'Institut canadien pour des choix climatiques ont défini les points clés de l'ordre du jour et les facteurs de réussite de la CdP-26 à Glasgow, où la présidence britannique hôte doit :
1. S'assurer que toutes les parties ont soumis des CDN ambitieux qui peuvent garantir des émissions mondiales nettes nulles d'ici le milieu du siècle et maintenir 1,5°C à portée de main.
Pour atteindre ces objectifs ambitieux, les pays doivent :
- Accélérer l'élimination progressive du charbon ;
- Accélérer la réduction des émissions de méthane ;
- Réduire la déforestation ;
- Accélérer le passage aux véhicules électriques ; et
- Encourager les investissements dans les énergies renouvelables.
Pour le Canada, cela signifie qu'il faut établir des plans plus crédibles pour atteindre notre objectif de réduction des émissions de 40 à 45 % en 2030, ainsi que des plans à plus long terme pour atteindre des réductions plus importantes d'ici le milieu du siècle.
2. S'accorder sur les sources de financement de l’action climatique afin que les pays développés puissent tenir l'engagement d'avoir atteint 100 milliards de dollars de financement de l’action climatique par an d'ici 2020.
Cette échéance a été repoussée à 2025, mais les pays développés doivent tenir cet engagement pour aider les nations en développement à se protéger contre le changement climatique et à accélérer la décarbonisation. Tout nouveau retard risque d'éroder la bonne foi et la confiance au cours des négociations.
Le Canada a un rôle important à jouer dans ce domaine, en tant que co-responsable de ce travail avec le Royaume-Uni. Toutefois, l'engagement du Canada représente moins du quart de notre juste part, même s'il a été porté à 5,3 milliards de dollars sur cinq ans.
3. Accroître les efforts collectifs d'adaptation au climat, par exemple : protéger et restaurer les écosystèmes, construire des défenses et des systèmes d'alerte, et développer des infrastructures et une agriculture résilientes.
La plupart des financements sont actuellement consacrés aux efforts d'atténuation du climat (c'est-à-dire à la réduction des émissions), et les paramètres permettant de suivre les progrès en matière d'adaptation sont encore mal définis. Les pays devront s'efforcer d'améliorer la qualité et la comparabilité des paramètres, par exemple en ce qui concerne les définitions, les méthodes et les données qui peuvent être utilisées pour rendre compte de l'adaptation.
Le Canada a été l'un des membres fondateurs de la Commission mondiale sur l'adaptation, qui s'est efforcée de rehausser le profil politique des efforts d'adaptation.
4. Finaliser le « Manuel des règles de Paris », qui établit des lignes directrices pour la mise en œuvre de l'Accord de Paris et le fonctionnement des marchés du carbone (également appelé « article 6 »).
L'article 6 joue un rôle essentiel dans l'établissement de règles claires et cohérentes qui peuvent permettre aux marchés du carbone d'accélérer la décarbonisation et de transférer les investissements des combustibles fossiles vers les énergies propres. Cet article établit des règles visant à assurer la transparence et à éviter le double comptage dans l'utilisation des « résultats d'atténuation transférés au niveau international » (ITMO), que les pays peuvent utiliser pour les comptabiliser dans leurs CDN. L'article 6 établit également des mécanismes de marché et hors marché pour aider à atteindre les objectifs d'atténuation du changement climatique au coût le plus bas possible.
Par le passé, l'industrie pétrolière et gazière canadienne a fait valoir que le méthane pouvait être utilisé comme « combustible de transition » au titre de l'article 6, pour remplacer la consommation de combustibles fossiles à fortes émissions dans d'autres pays, tels que le charbon et le pétrole. Cependant, cette approche comprend mal la manière dont les inventaires nationaux d'émissions sont comptabilisés. Lorsque le Canada exporte un produit, les émissions associées à son utilisation (appelées Émissions de portée 3) ne sont pas incluses dans notre inventaire national, mais plutôt dans l'inventaire national du pays où les émissions sont rejetées. Selon l'Institut canadien pour des choix climatiques, le Canada a fait marche arrière par rapport à son intention déclarée d'utiliser les futures règles de l'article 6 pour obtenir un crédit pour le remplacement des combustibles fossiles dans d'autres pays, et a souligné la nécessité d'éviter le double comptage sur les marchés internationaux.
5. Mobiliser les capitaux privés pour permettre la réalisation de l'objectif mondial d'émissions nettes nulles et veiller à ce que chaque décision financière tienne compte du climat.
L'investissement nécessaire à la préparation de projets d'infrastructures durables dans les villes s'élève à 4,5 milliards de dollars, l'investissement mondial nécessaire à la transition énergétique à 131 milliards de dollars et le financement climatique nécessaire aux petits producteur·rice·s des pays en développement à environ 240 milliards de dollars par an.
Cette transformation économique massive nécessite des financements publics et mixtes pour transformer les milliards de dollars engagés dans les investissements climatiques par les canaux publics en billions d'investissements climatiques totaux. À cette fin, le Private Finance Hub de la CdP-26 travaille sur les points suivants :
- Améliorer la quantité, la qualité et la comparabilité des divulgations liées au climat, sur la base des recommandations de la Taskforce for Climate-related Financial Disclosures (TCFD).
- Veiller à ce que le secteur financier puisse mesurer et gérer les risques financiers liés au climat à l'aide d'outils tels que les simulations de crise.
- Améliorer la capacité des investisseur·euse·s à identifier les opportunités dans le cadre de la transition vers le zéro carbone net, et rendre compte de la manière dont leurs portefeuilles s'alignent sur cette transition.
- Augmenter les capitaux privés vers les économies émergentes et en développement.
Le Private Finance Hub de Mark Carney a appelé les institutions financières privées à prendre des engagements clairs lors de la CdP, notamment un engagement crédible en faveur du net zéro en rejoignant la Glasgow Financial Alliance for Net Zero (GFANZ), et en supprimant de toute urgence le financement du charbon.
Canada : Regard sur le sommet de la CdP-26
Au Canada, le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) a reçu des commentaires des institutions financières sur les risques auxquels elles sont confrontées en raison du changement climatique et de l'impact sur leur sécurité et leur solidité. Le BSIF et la Banque du Canada pilotent également des scénarios de risques climatiques afin de mieux comprendre les risques pour le système financier.
Dans les semaines qui ont précédé la CdP, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) ont publié, pour commentaires, une Proposition d'instrument national 51-107 qui exigerait la divulgation des questions liées au climat. En février, CPA Canada s'est associé au Prince of Wales's Accounting for Sustainability Project (A4S) pour produire un guide fondé sur des principes qui aide les évaluateur·rice·s d'entreprises à évaluer les risques et les possibilités liés au changement climatique pour les organisations. En fait, le Canada a posé sa candidature pour accueillir le siège international du nouveau Conseil international des normes de durabilité (ISSB). L'ISSB élaborera des règles sur la façon dont les entreprises rendent compte des questions environnementales, sociales et de gouvernance, bien que la remise en question par les États-Unis de l'approche générale proposée signifie que l'ISSB se concentrera sur les investisseur·euse·s pour commencer, et commencera par des normes liées au climat étant donné la quantité croissante de données dans ce domaine.
Je vous tiendrai au courant de l'évolution de la situation dans les prochains jours, mais en attendant, nous aimerions que vous nous fassiez part de vos questions ou, si vous êtes à Glasgow, de ce que vous voyez sur le terrain.
Lien vers l'article original : https://ccli.ubc.ca/cop26-how-we-ended-up-here-and-key-agenda-items/.