Déclaration finale de la COP17 à Charm el-Cheikh: les principaux points à retenir
Qu’est-ce que la Déclaration finale?
La déclaration finale est un document publié à la fin de la COP, qui résume les principaux objectifs, cibles et priorités politiques convenus par tous les pays participants. Le pays hôte, dans ce cas l'Égypte, est responsable de la rédaction et de la révision du document au fur et à mesure du déroulement des négociations. Il est important d'examiner non seulement ce qui est inclus dans la déclaration finale - les nuances autour de la langue et des formulations - mais aussi ce qui n'y figure pas. Quels sont les points importants à retenir au sujet de la déclaration finale de la COP27?
Nouveau fonds pour les pertes et dommages.
La création du fonds tant attendu pour les pertes et dommages est l'un des résultats de la COP les plus célébrés - un objectif que le Canada a soutenu lors des négociations. Le fonds pour les pertes et dommages - distinct du financement visant à répondre aux besoins urgents d'atténuation et d'adaptation - aidera les pays en développement à répondre aux effets destructeurs du changement climatique. Alors que le financement pour l'adaptation vise à aider les pays à investir dans des infrastructures pour prevenir les inondations, le fonds pour les pertes et dommages aidera les pays à se reconstruire lorsque des inondations - ou d'autres catastrophes liées au changement climatique se produisent inévitablement.
La création du fonds est le résultat d'années de plaidoyer, mais surtout un pas en avant pour la justice climatique grâce au soutien allant des pays les plus développés - contribuant le plus au changement climatique - aux pays les moins développés et aussi les plus touchés, alors qu’ayant une moindre responsablité.
Dans le cadre de la COP, le Canada s’était préparé en amont pour que les pertes et dommages fassent l’objet de discussions approfondies, mais aussi que le sujet soit inscrit à l’ordre du jour - ce qui n’avait encore jamais été le cas depuis le début de l’existence des COPs. Il est toutefois crucial de voir comment les détails concernant la source du financement et son fonctionnement vont être précisés et mis en œuvre au cours des prochaines années.
Adaptation et Atténuation
La COP 27 a vu des progrès significatifs en matière d'adaptation. Cette année, les pays ont convenu de passer à l'étape suivante consistant à élaborer un cadre definissant comment l'objectif sera atteint lors de la COP 28 et pour le moment - Cependant, cela nécessitera également un financement, et pour le moment la declaration finale ne fait que réitérer le même engagement que celui pris à Glasgow par les pays développés - à savoir de doubler le financement pour l'adaptation d'ici 2025.
Les pays ont également lancé le programme de travail sur l'atténuation, qui a été convenu à Glasgow. Mais l'accord final pour ce programme (distinct de la déclaration finale) reste faible, notamment lorsqu’il affirme que le programme devrait être «non normatif, non punitif, facilitateur, respectueux de la souveraineté nationale et des circonstances nationales» et «ne pas aboutir à de nouvelles cibles ou objectifs au-delà de ceux convenus dans l'Accord de Paris».
Le financement climatique fait généralement référence aux fonds mobilisés au niveau local, national ou international et destinés à la lutte contre les changements climatiques, que ce soit dans le cas de développement d’énergies renouvelables mais aussi du financement pour l'atténuation et pour l'adaptation. En 2009, les pays les plus riches ont promis 100 milliards de dollars par an (USD) de financement climatique pour les pays en développement, mais ils n'ont jamais atteint cet objectif.
L'Agence internationale de l'énergie estime que les pays en développement ont besoin d'environ 5,6 billions de dollars pour atteindre leurs objectifs de 2030. Le Canada a renforcé ses engagements et mène également un processus aux côtés de l'Allemagne pour s'assurer que les pays développés tiennent leurs promesses de financement climatique. Mais nous ne donnons pas l'exemple : en 2020, le Canada n'a versé que 1 505 millions de dollars, soit seulement le tiers des 100 milliards de dollars promis.
La Transition juste
Les pays ont également convenu d'un programme de travail pour une transition juste afin de soutenir les travailleurs de l'industrie des combustibles fossiles - en particulier dans l’industrie du charbon - au travers de programmes de reconversion et d'autres formes de protection sociale. Climate Action Network note qu'il sera important de veiller à ce que la transition juste n’apporte pas de fausses solutions mais reste centrée sur les besoins et les droits des travailleurs, ainsi que sur l'importance du dialogue social.
Silence continu autour de la sortie des énergies fossiles
Il existe une longue tradition honteuse à la COP, qui veut que les textes se concentrent uniquement sur les engagements de réduction des émissions de GES, tout en évitant d’aborder la question de l'élimination des combustibles fossiles qui produisent ces émissions. On s’accorde toutefois de plus en plus pour dire que cela est inacceptable. L’année dernière, le Pacte de Glasgow avait laissé entrevoir une légère amelioration en incitant les pays à progressivement éliminer et les subventions inefficaces destinnées aux énergies fossiles.
Cependant, ce dont nous avons vraiment besoin, c'est de nous attaquer à la cause profonde du changement climatique en veillant à ce que les pays s'engagent à éliminer purement et simplement les combustibles fossiles! Pourtant, la déclaration finale de cette année ne contient aucune de ces promesses. Elle représente même à certains égards un recul par rapport à l'accord de Glasgow en mentionnant le soutien à «l'énergie à faibles émissions ». Cela pourrait être utilisé comme un prétexte afin de continuer l’exploitation du gaz naturel par une industrie qui investit déjà largement dans des campagnes d'écoblanchiment. Il faut d’ailleurs noter que l'industrie des combustibles fossiles était représentée par 636 lobbyistes à Charm el-Cheikh - soit une augmentation de 25 % depuis la COP26 - ce qui a sans aucun doute influencé les négociations.
Alors que les États-Unis, l'UE, l'Inde et de nombreux autres pays ont fait pression pour inclure «l'élimination progressive du pétrole, du gaz et du charbon» dans la déclaration finale, les négociateurs canadiens ont attendu jusqu'au tout dernier jour pour exprimer leur soutien. Le ministre de l'Environnement, Steven Guilbeault, s'est dit préoccupé par le fait qu'un tel engagement entraînerait des contestations judiciaires de la part de certaines provinces.
Il convient de souligner là encore la relation étroite entre le Canada et les lobbyistes du pétrole à la COP : des représentants de la Pathways Alliance, composée des compagnies pétrolières Canadian Natural, Cenovus, ConocoPhillips, Imperial, Meg Energy et Suncor, ont été invités par le gouvernement à animer un événement au pavillon canadien sur la décarbonation. Dans ce contexte - et suite au panel animé par la ministre de l’Environnement de l’Alberta, Sonya Savage, aux côtés de Rhona DelFrari, représentante de la pétrolière Cenovus Energy - un groupe de Canadiennes et de Canadiens ont dénoncé la présence de ces grands pollueurs et ont exigé la fin du conflit d'intérêt des entreprises pétrolières à la COP 27.
Objectif 1,5 réaffirmé, mais avec peu de précisions
À l'instar de la question des combustibles fossiles, l'accord de Charm el-Cheikh réaffirme l'objectif de Glasgow de maintenir le réchauffement en dessous de 1,5 degré Celsius, mais a manqué l'occasion de le renforcer et propsoe peu d'engagements substantiels sur la manière dont les pays atteindront réellement cet objectif. Il mentionne simplement la nécessité de «réductions rapides, profondes et soutenues des émissions mondiales de gaz à effet de serre, pour une baisse mondiale des GES de 43% d'ici 2030 par rapport au niveau de 2019».
La décision aurait pu inclure un engagement plus ambitieux pour que les émissions carbone atteignent un pic avant 2025 - ce qui est plus conforme à la science afin de maintenir le réchauffement en dessous de 1,5 degré Celsius. Les gouvernements ont néanmoins été invités à renforcer leurs objectifs pour 2030 d'ici la fin de l'année prochaine, mais cela avait également été demandé à Glasgow et peu d’engaements ont suivi.
Conclusion
La COP27 a été une grande victoire pour la justice climatique avec la création du fonds du fonds pour les pertes et dommages. Défendu par de nombreux pays en développement et leurs alliés depuis de nombreuses années, la création du fonds démontre aussi que le processus de la COP permet aux pays les plus petits et les plus vulnérables du monde de revendiquer un espace de négociation.
S'il est important de célébrer cette victoire, La COP 27 a manqué plusieurs occasions de faire des avancées significatives pour combattre le changement climatique. La COP 28 doit avoir lieu à Dubaï, aux Émirats arabes unis, dans un pays fortement dépendant de la production de pétrole, ce qui rendra les négociations encore plus difficiles.
Finalement, pour nous qui sommes au Canada, ces négociations internationales sur le climat peuvent sembler éloignées de nos préoccupations quotidiennes. Mais, nous devons continuer à prêter attention et à comprendre ce qui se passe afin que nous puissions tenir notre gouvernement responsable vis-à-vis de ses engagements, de les soutenir au travers d’ actions significatives et de fournir un soutien financier aux pays en développement. En tant que pays plus riche et plus développé qui a contribué plus largement au chauffage mondial, nous devons aussi contribuer de manière plus juste à la solution.
Sources:
- Général: https://www.ledevoir.com/monde/771525/l-espoir-de-sauver-la-cop27-en-egypte-renait
- https://www.letemps.ch/sciences/cop27-sacheve-un-accord-laide-aux-pays-pauvres-nouvelles-mesures-contre-rechauffement
- https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1933982/conference-climat-charm-el-cheikh-onu-changement-climatique
- La déclaration finale: https://unfccc.int/sites/default/files/resource/cop27_auv_2_cover%20decision.pdf
- L'écoblanchiment au gaz naturel: https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1919417/canada-ecoblanchiment-association-canadienne-gaz
- https://www.ledevoir.com/environnement/770143/le-canada-accueille-trois-evenements-impliquant-l-industrie-des-energies-fossiles-a-la-cop27
- Sur le manque de soutien du Canada pour l'élimination progressive des combustibles fossiles: https://www.ledevoir.com/environnement/770001/environnement-le-canada-invite-l-industrie-des-sables-bitumineux-a-la-cop27
- Les engagements du Canada en matière de financement climatique: https://climateactionnetwork.ca/fr/resource/une-approche-transformationnelle-du-financement-climatique-au-canada/